Recrutement 2023 : soft skills demandées, et réellement identifiées ?

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Longtemps, les organisations ont considéré les soft skills comme un « petit plus » auquel former leurs meilleurs talents, pour les récompenser. Ces compétences n’avaient alors rien de déterminant à leurs yeux. Mais la complexité dans laquelle les entreprises évoluent, et les réorganisations suscitées par la crise sanitaire, ont changé la donne. Ainsi, de nombreuses organisations recrutent désormais par les soft skills, vues comme des leviers-clés de performance ! Ou du moins tentent-elles de le faire… Focus sur les pratiques de recrutement en vigueur - et sur certaines initiatives prometteuses.

Lors du recrutement, les soft skills sont incontournables… mais délicates à appréhender

En 2022, le baromètre WeSuggest sur l’évaluation des soft skills par les recruteurs nous apprend que ces derniers sont 78 % à estimer connaître et évaluer les soft skills des candidats en toute objectivité. Pourtant, une nouvelle recrue sur deux ne passe pas plus de 18 mois dans l’entreprise, après son embauche. Par ailleurs, le rapport global The Future Of Work 2022 de Monster pointe le manque de compétences des candidats, dont une bonne partie de soft skills. Ainsi, alors que les organisations recherchent en priorité des professionnels capables de travailler en équipe et de coopérer, de bien communiquer, de résoudre des problèmes et dotés de pensée critique, les soft skills qui manquent le plus aux candidats sont la communication, la résolution de problèmes & la pensée critique, ainsi que la fiabilité[1].

Dès lors, il convient d’explorer l’inadéquation entre les compétences visées et celles repérées, d’une part, la volonté affichée par les recruteurs et leurs pratiques de recrutement en matière de soft skills, d’autre part. Sans oublier la capacité des candidats à mettre en avant eux-mêmes leurs compétences soft.

L’absence de « définition » des soft skills s’avère problématique

En effet, comment identifier des compétences que l’on peine à cerner ? D’autres facteurs peuvent également expliquer ces difficultés. Ainsi, dans le baromètre WeSuggest 2022, on apprend que le recrutement par les soft skills se fait de façon « intuitive » avec les candidats, lors des entretiens – selon 84 % des répondants ! Seuls 27 % des recruteurs interrogés s’appuient sur des « tests psychométriques » et 31%, sur un « guide d’entretien ».

Quant au baromètre des soft skills 2023 de CSP DOCENDI[2] – qui porte sur la façon dont les entreprises perçoivent et développent ces compétences -, il révèle que seules 21 % des organisations « disposent de méthodes d’évaluation des soft skills ou sont en train de s’en doter ». Autre élément notable : 6 % des répondants seulement octroient à la fonction recrutement le lead de l’identification et du développement des soft skills, en entreprise (38 % estimant que « l’ensemble de la DRH, les managers, les fonctions formation et recrutement » assument cette responsabilité de façon transversale).  

Pour repérer ces compétences, les « bonnes pratiques » suffisent-elles ?

À date, les soft skills sont mentionnées dans de nombreuses offres d’emploi, ce qui n’était pas le cas il y a quelques années. Toutefois, elles sont encore trop rarement mises en relation avec les enjeux du poste et l’environnement de travail. Or ces compétences sont éminemment contextuelles ! Il y a donc là matière à progression. En parallèle, en l’absence de démarche « processée » d’évaluation, il est important de connaître les biais cognitifs susceptibles d’agir lors d’un recrutement. Mélany Payoux[3], manager de l’Innovation chez PerformanSe, souligne ainsi que, face à un candidat, les recruteurs peuvent « rester sur leur première impression » car c’est celle « qui laisse le plus de traces [dans notre cerveau, ndlr] et façonne l’idée que nous nous faisons d’un individu ». Selon Benjamin Blavier, fondateur d’Article 1, une association qui lutte contre l’inégalité des chances en matière d’orientation et d’insertion professionnelle des jeunes de 16 à 25 ans, les recruteurs risquent aussi de porter un regard plus favorable sur un candidat parce « qu’il partage leurs codes, a fait la même école qu’eux ou parle le même langage ».

Certaines « bonnes pratiques » peuvent toutefois éviter de tomber dans ces biais : l’attention prêtée à la communication para-verbale et non verbale ; la posture bienveillante et l’écoute active des recruteurs. Il est important également de savoir « lire entre les lignes des CV » : par exemple, une expérience de bénévolat dans une association caritative témoigne de l’empathie d’un candidat et de son implication dans un cadre collectif. Les recruteurs doivent aussi inviter les candidats à raconter certaines situations professionnelles qu’ils ont vécues, pour faire ressortir les soft skills qu’ils ont alors mobilisées ; dans des contextes proches, les mêmes soft skills pourront jouer un rôle-clé.

Recruter par les soft skills requiert d’adopter une approche systémique

Selon l’Apec (association pour l’emploi des cadres), l’étape de sélection des candidats ne peut – et ne doit – pas être le seul « moment » où l’on se préoccupe de soft skills ! Ainsi, il est capital de former les professionnels RH et les managers à ces compétences : leur repérage et leur « vérification » sont grandement facilités quand on a soi-même identifié et cultivé les siennes. Il peut être utile également que les candidats rencontrent non seulement le/s professionnel/s chargé/s du recrutement et leur futur manager, mais aussi certains membres de l’équipe. Si tous sont déjà éveillés aux soft skills, les échanges permettront de mettre en évidence la mobilisation des compétences soft requises pour le poste – dans le cadre de ces conversations ou des expériences préalables des candidats.

Par ailleurs, l’évaluation des soft skills lors du recrutement sera d’autant plus juste qu’elle sera outillée - via un Assessment Center si l’organisation en a les moyens ou, à défaut, grâce à un test psychométrique bien choisi. Sachant que les réponses à un test, par nature figé, gagnent à être ensuite mises en situation dans le cadre des entretiens[4]. Selon l’Apec, une fois les nouvelles recrues en poste, il est aussi souhaitable de déterminer ce qui a fait le succès des recrutements opérés. L’entreprise peut ainsi renforcer sa connaissance des compétences soft indispensables pour les postes qu’elle a à pourvoir.

Et si les soft skills constituaient des atouts pour la diversité et l’inclusion ?

Dans l’attente d’une norme AFNOR portant sur les soft skills[5], certaines initiatives ont d’ores et déjà vu le jour pour faire de ces compétences de véritables leviers d’employabilité à destination des candidats. Celle de l’association Article 1 et de la Fondation Mozaïk, soutenue par la Fondation Accenture, mérite l’attention. Concrètement, Article 1 et la Fondation Mozaïk coordonnent désormais leurs actions grâce à un site lancé fin janvier 2023, Softskills Talents. Article 1 s’engage via son programme Jobready, qui accompagne les jeunes des milieux populaires dans l’identification, le développement et la reconnaissance de leurs soft skills. De son côté, la Fondation Mozaïk met à disposition sa plateforme de recrutement en ligne Mozaïk Talents, qui vise à déjouer les discriminations à l’embauche tout en proposant aux recruteurs les profils dont ils ont besoin. 

À n’en pas douter, les soft skills constituent également des leviers d’employabilité pour d’autres actifs accédant plus difficilement à l’emploi que d’autres catégories d’actifs – on pense ici aux seniors ou aux personnes handicapées. 

>> L’essentiel à retenir :

  • 78 % des recruteurs estiment connaître et évaluer les soft skills des candidats en toute objectivité – mais seules 21 % des organisations disposent d’une méthode d’évaluation ou sont en train de s’en doter.
  • Selon l’Apec, tout recrutement par les soft skills nécessite une démarche systémique des entreprises à l’égard de ces compétences.
  • Grâce à des initiatives comme celle d’Article 1 et de la Fondation Mozaïk, avec le soutien de la Fondation Accenture, les soft skills deviennent des leviers d’employabilité pour des actifs / futurs actifs rencontrant des difficultés d’accès à l’emploi.

 


[1] La fiabilité ne constitue pas une soft skill en soi (ce n’est pas une compétence). Elle résulte en revanche de la mobilisation de plusieurs soft skills.

[2] L’édition 2023 est la 3e édition de ce baromètre dédié.

[3] Visionner l'interview de Mélany Payoux

[4] Ce type de mise en situation peut se faire en entretien, en demandant aux candidats de se projeter dans un contexte de travail donné, ou en mobilisant un cognitive game tel que celui développé par la start-up Goshaba, par exemple. 

[5] Piloté par Jérémy Lamri (cofondateur du LabRH et de Tomorrow Theory, dont il est aussi CEO), le groupe de travail de l’AFNOR inclut notamment Laurence Mignard, Responsable de projet Qualité et Certifications du Pôle Formation de Lefebvre Dalloz.

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